Le site archéologique : une brève introduction
Les ruines archéologiques connues sous le nom local de « Viranşehir » sont situées environ 30 km. au sud d’Aksaray, au pied de Hasan Dağ, en amont de la localité actuelle de Helvadere. La dépression naturelle dans laquelle est aménagée la cité antique est en fait l’un des nombreux cratères parasites du volcan Hasan Dağ (Fig. 1).
Les ruines romaines, tardo-antiques et byzantines ne sont pas limitées au site même. La voie antique en direction de Hasan Dağ est également dotée d’une série de vestiges (églises, monastères) datant des cinquième et sixième siècles accessibles à pied depuis Viranşehir par une marche d’approche de 45 min. à deux heures. Dans cette perspective, le projet de Mokisos n’est pas limité par la cité antique mais comprend aussi l’ensemble du patrimoine chrétien environnant de Hasan Dağ et vise à explorer le réseau des villages et d’autres implantations en relation avec les vestiges de Viranşehir.
L’accès au site se fait par un passage naturel étroit niché entre deux monticules orientées plein Nord. Cette entrée principale est désignée localement par le nom imagé de Demir Kapı/la Porte de Fer suivant une légende orale du 19ème siècle. Les vallons enveloppants la ville antique constituent une sorte de rempart naturel ce qui pourrait, au moins partiellement, expliquer l’absence des vestiges de murailles ou du moins le fait que l’existence d’une muraille n’ait pas été confirmée jusqu’à présent.
Les ruines antiques ne sont pas limitées au creux topographique naturel mais s’étendent aussi aux flancs des vallons environnants au nord, au sud et à l’est (Fig. 2, nos. 3, 2, 5, 4).
La superficie qui s’élève aux 50 hectares et l’étendue des vestiges qui survivent fait du site de Viranşehir la cité tardo-antique et byzantine la plus large et la mieux conservée de toute la Turquie centrale (Fig. 3).
A la fin du 19ème siècle William John Hamilton avait proposé d’identifier, suivant les travaux de Charles Texier qui lui précédaient, les ruines de Viranşehir comme Nazianzos. Cependant, comme les sources écrites le confirment, cette ville se situait plus au nord est par rapport à Viranşehir et l’identification de Texier et de Hamilton n’a pas été retenue dans le cercle des spécialistes. C’est E. Honigmann en 1939 qui a proposé pour la première fois d’associer les vestiges de Viranşehir à Mokisos, nommée aussi Justinianopolis, en se basant d’une part sur le Περὶ Κτισμάτων (De Aedificiis) de l’historien byzantin Procope et de l’autre sur les documents relatifs à l’organisation ecclésiastique de l’Église byzantine qui confirment que toutes les paroisses (khorepiskopoi) dépendantes de Mokisos étaient situées sur la rive gauche, c’est-à-dire au sud, du fleuve Halys (Kızılırmak). La dénomination justinienne tombe cependant rapidement en désuétude : dans les Notitiae episcopatuum, la ville est désignée sous le nom de Môkissos, jamais sous celui de Justinianopolis. Dans tous les cas, il s’agit d’un siège épiscopal et d’une métropole de grande importance tant du point de vue ecclésiastique qu’administratif. Toutefois, le fait qu’aucun témoignage archéologique (inscription, monnaie, sceau etc.) permettant d’identifier avec précision Mokisos à Viranşehir/Helvadere n’ait à ce jour attesté justifie l’intérêt d’un nouveau projet de documentation et de fouilles archéologiques.
Les seuls travaux scientifiques réalisés dans la cité antique sont les prospections de terrain menées par Albrecht Berger, byzantiniste allemand, entre les années 1994 et 1996 sous l’égide du Ministère de Culture de Turquie. Berger et son équipe ont documenté plus d’un millier d’habitations (Fig. 4) et d’une trentaine d’églises et suggèrent que l’église principale numéro 1, l’église funéraire numéro 22, la chapelle numéro 14 avec une série d’édifices rapprochés pourraient former le complexe du palais épiscopal (Fig. 2, no. 1). Les trouvailles plausibles de cette zone pourraient en effet apporter un éclairage nouveau sur l’histoire ecclésiastique et administrative byzantines du sixième au dixième siècles en Cappadoce et compléter les données des sources historiques.
Berger affirme également que Mokisos s’est développée sur une nécropole romaine qu’il estime le cimetière païen d’une cité romaine voisine située environ 3 km à l’est près du village de Yenipınar. L’abondance des vestiges pré-chrétiens à Mokisos et dans les proximités immédiates offrent un argument complémentaire qui justifie le projet d’un examen archéologique approfondi du site afin de pouvoir lire et interpréter la période transitionnelle située entre 2ème et 3ème siècles d’une part, et 5ème et 6ème siècles de l’autre.